À L'ÉCOUTE DU PREMIER SATELLITE ARTIFICIEL DE L'HISTOIRE, SPOUTNIK 1 :
Dès l'école primaire, les gamins des années 1950's parlaient de l'imminence de lancement d'un satellite artificiel.
La revue Sciences et Vie avait expliqué qu'il était possible de lancer un objet dans l'espace et que celui-ci se maintiendrait en l'air, sans qu'il soit nécessaire d'entretenir des moteurs.
Ceci nous faisait rêver. Avec mon copain Jacques, tous les deux âgés de 8 ans, nous avions fabriqué une fusée dans un tube d'aluminium, en cachette de nos parents,
dans laquelle nous avions versé du Xy...provenant d'une panoplie du parfait petit chimiste reçue à Noël (les parents et les fabricants de jouets ne se rendaient pas compte à l'époque!).
Elle se consuma sur la chaussée et sa mise à feu terrifia les passants se rendant au marché. Nous nous tenions au courant de l'actualité concernant les fusées,
notamment des lancements de la fusée française Véronique.
Puis en 1956, je réalisai mon premier récepteur de trafic ondes courtes à 5 tubes, un 1V2 magnifiquement
décrit dans l'ouvrage "100 MONTAGES ONDES COURTES" de Fernand Huré et Robert Piat. Il était équipé d'un préamplificateur HF à 6K7 apériodique,
d'une 6J7 métal en détectrice à réaction en montage E.C.O., d'une triode 6J5 en préamplificateur BF, d'une 6V6 en final de puissance chargé par un
transformateur à secondaire 2,5 ohms pour alimenter une enceinte de type bass-réflex à haut-parleur de 17cm. L'alimentation était équipée d'un transformateur à plusieurs enroulements :
2 x 250 volts pour la haute tension, 5v pour le filament de la valve redresseuse, 6,3V pour les filaments des tubes de réception.
Le redressement s'effectuait en double alternance par une 5Y3GB.
En face avant, étaient disposés :
. un condensateur variable des surplus à air de 120 pf entraîné par un vernier à deux vitesses,
. un potentiomètre de dosage de l'accrochage de réaction : en se maintenant à la limite d'accrochage, on atteignait le maximum de sensibilité du récepteur,
mais il fallait jouer "fin" pour ne pas entendre un fort sifflement dans le haut-parleur. Par contre, en télégraphie, des signaux lointains pouvaient être reçus.
. un potentiomètre de volume, avec interrupteur secteur.
Plus tard, pour augmenter la sensibilité, j'ai tenté d'ajouter un circuit d'accord sur le préamplificateur HF apériodique, mais le circuit entra en auto-oscillation,
et n'apporta pas d'avantage notable.
La fabrication ne fut pas très aisée, car je ne disposais pas des outils nécessaires, à part un Vilebrequin pour percer la tôle et un voltmètre industriel de 250 volts à mon père.
Etant en vacances dans l'Oise, je me rendis chez le Maréchal ferrant de MOUY, qui me perça la face avant en aluminium de 3mm.
La self permettant de changer de bande de fréquence était réalisée sur un tube de bakélite, le tout rendu enfichable grâce à des culots de lampes américaines à 5 broches
collés à la partie inférieure du mandrin.
Un soir d'octobre 1957, ayant appris le lancement du premier SPOUTNIK, j'explore la bande amateur des 15 mètres (21MHz) et apprenant que le "BEBE LUNE" ainsi nommé par les journalistes devait
émettre un "bip bip "sur 20,006 MHz, j'ajoute environ deux spires sur la self. Rien de plus simple avec un tel bobinage extractible!
Puis je suspends un fil d'antenne d'une dizaine de mètres par la fenêtre du cagibi qui se trouvait au cinquième étage de l'immeuble chez mes parents. Mon copain d'école Jean-Claude qui passait
par là m'aperçoit de la rue et me demande ce que je suis en train de faire. Tout en lui parlant, j'explore la bande des 20MHz, et soudain, j'entends fort et clair ce fameux bip bip
un peu rocailleux et pousse le son à fond pour que mon copain Jean-Claude l'entende : Mais celui-ci ne sera pas sensible à mon expérience, étant lui-même passionné de peinture et de poterie,
la technique radio et le spatial ne présentant pas d'intérêt pour lui.
Toutefois je sautai de joie, et fis partager ma passion à ma chère grand mère, complice. Toutefois celle-ci était fort inquiète de tous ces objets que l'on commençait à lancer "en l'air" !
A L'ECOUTE DE VALERI BYKOVSKY (VOSTOK 5) et de VALENTINA TERESHKOVA (VOSTOK 6) :
Nous sommes en Juin 1963. J'ai entendu à la radio que les soviétiques étaient sur le point d'envoyer dans l'espace une femme cosmonaute.
Je suis radioamateur depuis 2 ans et demi maintenant, et j'ai remplacé mon récepteur de trafic à 9 tubes de construction maison par un superbe récepteur NATIONAL NC100
que mon père m'a offert. Il l'avait racheté à l'ami Jean F3PD, et bien que fabriqué pour l'armée américaine à partir de 1935, ses performances étaient remarquables en modulation d'amplitude
et en télégraphie.
Je savais que les soviétiques avaient conservé les fréquences sur bandes ondes courtes décamétriques pour les communications spatiales, alors que les premiers satellites américains
transmettaient dès le début sur VHF. Sans doute les ingénieurs soviétiques considéraient que les ondes courtes offraient le maximum de sécurité et permettaient de liaisons à longues distances
sans relais.
Dès que j'appris par la presse le lancement de VOSTOK 5 avec Valeri BYKOVSKY à son bord, ce 14 Juin en fin vers midi, je me mis à l'écoute aux environs de 20 MHz.
Mon Récepteur NC100 n'était pas assez précis pour me régler sur la fréquence de 20006 KHz, la même que pour le premier satellite SPOUTNIK 1 que j'avais reçu avec ma détectrice à réaction.
Heureusement, je pouvais rester à la maison ce jour là, étant en attente de ma convocation pour le service militaire.
Le 16 Juin 1963, un évènement extraordinaire se produit : la première femme cosmonaute a été lancée ce matin à bord du vaisseau VOSTOK 6. Il s'agit de Valentina TERESHKOVA. Un rapprochement entre VOSTOK5 et VOSTOK6 est envisagé, mais pas un arrimage. Je reste à l'écoute durant tout l'après-midi, et soudain un peu avant d'aller dîner, une conversation en russe entre une voix féminine et une voix masculine retentit dans mon haut-parleur.
Malheureusement, je ne comprends pas le russe, mais les signaux sont extraordinairement puissants et d'égale intensité, le ton des voix très tendu, et manifestement il ne peut s'agir que de Valentina TERESHKOVA et de Valeri BYKOVSKY.
Bien des décennies plus tard, j'ai encore nettement en mémoire la sonorité de cette conversation venue de l'espace. Mais je ne pourrai plus écouter l'espace avec mon récepteur NC100,
les communications spatiales se faisant définitivement sur des fréquences élevées pour lesquelles je n'étais pas équipé. Il me faudra attendre 2005 grâce à mes transceivers YAESU FT817ND et à mon KENWOOD TS2000 pour m'intéresser à nouveau au trafic amateur par satellite.