C'était l'après-guerre et tout le monde rêvait de progrès technique, qui devait selon nos enseignants, apporter toutes sortes
de bonnes choses à l'humanité...La France mettait en chantier le Concorde et le paquebot France. Les foyers se
dotaient de leur premier "Frigidaire" et d'un téléviseur noir et blanc 819 lignes à une seule chaîne. Tout
le monde espérait bien voir de son vivant l'arrivée de l'homme sur la lune. A l'école primaire, on discutait de
sciences et techniques pendant la récré, on parlait de maquettes d'avion et de bateau, on rêvait de se voir un jour au
téléphone, de parler par radio avec la terre entière, même avec des personnes situées au-delà du rideau de fer.
Certains d'entre nous ont tenté de concrétiser leurs rêves, souvent en cachette des parents, mais aussi parfois
avec leur complicité. Par exemple, ma chère grand-mère m'accorda sa chambre pour construire mon bateau radiocommandé,
au Noël de l'entreprise ma mère m'obtint un microscope avec ses produits chimiques, mon père m'expliqua
les bases de l'électricité. Certains copains n'avaient pas cette chance. De nombreux
parents ne voyaient pas d'un très bon oeil que leur gamin se livre à du "bricolage" et préféraient les orienter
vers des activités plus artistiques ou "culturelles". Les enseignants eux-mêmes disaient aux moins doués :
"Si tu ne travailles pas, tu iras dans le TECHNIQUE !"
Comme si la Science et la Technique ne pouvaient pas faire
partie de la culture, ou si elles étaient incompatibles avec les arts et la littérature. Bien que les temps aient
un peu changé, (c'est ce que je pensais en 2010, mais finalement j'en doute en 2023...), cette position désolante pèse sans doute encore dans notre économie actuelle.
Un dimanche soir de septembre 1955, ce fut la découverte de l'émission radio chez un ingénieur
du son, fabricant de matériels de TRADUCTION SIMULTANÉE (Le terme exact est INTERPRÉTATION SIMULTANÉE) par boucle inductive hautes fréquences. Ce sera le
déclencheur de ma passion pour l'émission d'amateur, et plus tard mon métier.
Deux films cultes m'ont particulièrement influencé :
"NOUS IRONS A PARIS",
avec l'orchestre de RAY VENTURA et ses collégiens, qui se produisaient devant le micro d'une radio clandestine sans cesse en mouvement
pour échapper aux voitures "gonio" (localisation par radiogoniométrie). RADIO X emporte un vif succès auprès des auditeurs, pour sa bonne humeur et ses
chansons rythmées, à une époque positive où le pays se reconstruit. La distribution serait trop longue à citer.
On assiste à des émissions sur un rythme endiablé notamment avec le numéro mémorable de
music-hall où le tout jeune Henri Salvador danse et chante dans une grange avec les Peter Sisters sur l'air de
"à la mi-août...y a d' la joie pour les matous !" Finalement, l'orchestre se retrouve aux mains de la police
fluviale en arrivant sur une péniche à Paris. Paru sur les écrans en 1950, on commence à sentir un parfum de
méfiance à l'égard de toute forme de contrainte, préfigurant ce qui va se passer 18 ans plus tard.
Puis le célèbre
"SI TOUS LES GARS DU MONDE" qui met en relief les valeurs chères aux radioamateurs,
et le rôle que ceux-ci peuvent jouer dans l'aide humanitaire et des situations d'urgences ou de catastrophes.
Toutefois, si l'émission d'amateur est devenue ma principale passion, elle a eu d'autres rivales, notamment
la télécommande de modèles réduits, une période un peu folle de conception de fusées (1957/1959) et de lanceurs
en tous genres, la musique qui ne m'a jamais quitté.
En fait, ces passions que je partageais avec mes proches amis de lycée étaient tout à fait complémentaires :
la musique, mon autre grande passion, a du très certainement faciliter l'apprentissage de la télégraphie.
Pour la télécommande, il fallait fabriquer des émetteurs et des récepteurs sur 72MHz, nous étions sur
le point d'équiper nos fusées de balises radio (mais nos parents sont intervenus), nous faisions de l'enregistrement
sur disques 78 tours à partir du piano, puis quand nous n'avions plus de disques vierges, nous gravions
sur de la cire de bougie !
Une chose est certaine, des vocations sont nées et nous ont tous permis d'embrasser des professions
conformes à nos passions. Cette amitié est indestructible, plus de 60 ans après
Et maintenant, voici la relève !