PREMIER POSTE A GALÈNE (1955):
Celui-ci comportait :
. un coffret en bois qui était à l'origine une cage d'observation des insectes (mon précédent centre d'intérêt)
. un "presse-purée à lames rondes", ainsi que surnommait le personnage Ignotus un condensateur variable,
dans l'ouvrage de référence : LA RADIO, MAIS C'EST TRÈS SIMPLE ! de A. Aisberg.
. une bobine en bakélite sur laquelle j'avais enroulé plus d'une centaine de spires de fil isolé sous soie pour les ondes moyennes (Poste parisien, France Inter P.O.).
J'avais récupéré un bobinage en nid d'abeille pour les Grandes Ondes (France Inter, Europe numéro 1, Radio Luxembourg, et parfois la BBC). Un bobinage sur air était prévu pour la bande ondes courtes, mais je n'ai rien pu capter sur cette gamme. Un cavalier permettait de changer de gamme d'ondes.
. un détecteur à galène, avec sa pierre de sulfure de plomb, sa pointe chercheuse, le tout sous tube de verre et
enfichable sur douilles "bananes". J'avais fabriqué auparavant mon propre détecteur avec une cuve contenant la pierre de galène maintenue par une vis (dire que mon père fabriquait lui-même ses pierres à galène, mais je n'ai pas essayé !),
une pointe à ressort avec une molette en bakélite me permettant de rechercher le point de la pierre donnant la meilleure réception. Mais au moindre "bouger" la pointe dérapait et je perdais la réception.
. un casque haute impédance provenant des surplus.
Les premiers essais furent décevants : juste quelques bourdonnements bizarres .
J'eu la joie de recevoir pour mes 12 ans, à la fête de Noël du comité d'Entreprise où travaillait ma mère, qui
se tenait au Veld'Hiv à Paris, un poste à galène à monter soi-même (on ne parlait pas encore de kits). Je fus
un peu déçu, car les composants étaient plutôt "légers", mais c'était bien sûr un jouet réservé en principe
"aux grands de 14 ans".
Nouveaux essais : même résultats qu'avec le poste précédent.
Mon père me proposa alors de montrer mes "réalisations" à Marcel Rochon, le fameux ingénieur dans les systèmes de traduction
simultanée (non, il faut dire INTERPÉTATION SIMULTANÉE !).
Il brancha une grande antenne qui courrait autour de sa maison, relia ma prise casque à l'entrée d'un curieux
amplificateur qu'il appelait "une chaîne haute fidélité" (je découvris ce terme pour la première fois...)
et brusquement le son de la radio de Paris retentit puissamment dans l'enceinte, nettement amplifié par le
push-pull de tubes 6AQ5 ! Et quel son... une fidélité incroyable !
Marcel me dit : et bien, il fonctionne ton poste à galène, mais tâche de trouver une antenne correcte !
Pourtant mon antenne ressort de 3 mètres de long tendue au plafond de la salle à manger de mes parents comportait
bien une dizaine de mètres de fil, mais Marcel m'expliqua que plus tard, je comprendrai qu'une antenne doit avoir
des caractéristiques bien précises....
Merci Marcel, j'étais définitivement inoculé par le virus de la radio.
Puis Marcel me proposa de réaliser une antenne "secteur". L'antenne était donc constituée par les fils de
distribution du secteur domestique 110 volts à l'époque, un condensateur étant sensé isoler le poste de la haute tension (à déconseiller
à tout prix !). Puis il remplaça le détecteur à galène par un composant minuscule à deux pattes : une diode
détectrice au germanium, un "semi-conducteur", tel que ceux équipant ses récepteurs de traduction simultanée
pour l'UNESCO : plus besoin de chercher le point sensible, la détection était immédiate. Il s'agissait d'une diode
au germanium 1N34. Celle-ci eut une durée de vie limitée jusqu'au jour où mon condensateur de 1500 pf se mit à
fuir, et la diode fut volatilisée, avec apparition d'un nuage de quelques fumerolles !
J'étais ravi de pouvoir capter la plupart des radios parisiennes sur mon récepteur à cristal (et non plus à
galène), mais il manquait un peu de puissance. Puis, je souhaitais écouter des postes périphériques dans de meilleures conditions, notamment
RADIO LUXEMBOURG et la toute récente station dont les antennes étaient situées dans la Sarre : EUROPE NUMERO 1.
Alors je parvins à convaincre mes parents de me donner quelques sous en plus, puis j'achetai mes premières lampes :
1T4, 1S5, 3S4, 6K7, 6J7, 6C5, 6V6, puis EF80, ECH80, pour réaliser mes premiers récepteurs de trafic
(et même des émetteurs, mais chut...).
LA GRANDE CAMPAGNE DE RÉCUPÉRATION :
De 1955 à 1960, avec mes fidèles copains Jean-Pierre, Daniel et Robert, nous lançâmes systématiquement tous les
jeudis une vaste opération de récupération de pièces détachées auprès des dépanneurs "radio-télé" d'Argenteuil,
Asnières et Bois-Colombes.
Nous récupérions toutes sortes "d'épaves" de postes de radio et de téléviseurs, que nous rapportions à la maison
avec la poussette de marché de ma chère grand-mère complice. Le soir, après avoir parcouru des kilomètres,
nous partagions le butin et nous pûmes ainsi constituer chacun un stock respectable de composants prêts à être
recyclés !
POSTES A UNE LAMPE, DEUX LAMPES, 9 LAMPES, etc.. :
Puis ce furent des dizaines de montages qui sortirent tous les jeudis des cuisines de nos grand-mères respectives
transformées en labo, dont la quasi totalité des appareils décrits dans "100 MONTAGES ONDES COURTES"
de Fernand Huré F3RH et Robert Piat F3XY. Ces moments ont été sans doute parmi les plus heureux de notre vie.
Nous étions souvent obligés de mélanger dans un même montage des tubes de types différents, selon le résultat de nos récoltes : Dans un même récepteur, on pouvait trouver
des tubes miniatures 7 broches, du Noval 9 broches, de l'Octal 8 broches, du Rimlock, des tubes à enveloppe verre ou métal, et même les curieuses lampes rouges
de la série Transcontinental. Cela nous forçait à les adapter, les caractéristiques ne correspondant pas toujours à celles des tubes figurants dans les schémas des bouquins.
LA TENTATION !
Chaque jour, en remontant la rue de Rome à Paris avec les copains pour aller au lycée, nous passions devant des boutiques prestigieuses notamment :
. DUBOIS ET CHABOT (Galerie Marchande de la Gare Saint Lazare),
. TELE RADIO COMMERCIAL, 27 rue de Rome,
. CENTRAL RADIO, un peu plus haut,
. Les établissements GOUSSU, près de la place de l'Europe,
. OMNITECH, rue de Clichy (avec un petit détour).
Nous rêvions devant les vitrines des boutiques dans lesquelles trônaient des récepteurs de trafic fabuleux de grandes marques internationales :
HAMMARLUND (le fameux SP600), HALLICRAFTER (le magnifique SX28), NATIONAL RADIO COMPANY (NC300),
SFR (Le premier SFR : Société Française de Radioélectricité) avec son récepteur de trafic de rêve le RU93/RU95.
Dans ces vitrines figuraient même des composants extraordinaires pour l'émission et la réception des ondes courtes :
DYNA avec ses manipulateurs latéraux Maniflex, LEM et
MELODIUM les deux grands fabricants français de microphones, WIRELESS avec ses cadrans démultipliés à trotteuse,
NATIONAL avec ses condensateurs variables d'émission et ses selfs à variation continue, OMNITECH et ses fameux transformateurs de modulation universels à enroulements multiples OMNIRAP, etc..
Chaque jour je m'arrêtais devant le bloc de bobinages sur chassis d'aluminium, le "COLONIAL 63" qui permettait de réaliser soi-même un récepteur
toutes bandes ondes courtes. Il comportait une section pour l'étage HF, une pour le changement de fréquence 455khz, une pour l'oscillateur local. En parallèle avec les condensateur d'accord à 3 cages de 3 x 360pf, on pouvait ajouter un condensateur variable de 3 x 130pf pour augmenter la précision par étalement des bandes radioamateurs (BAND SPREAD).
Mais voilà, nous n'avions que quelques sous d'argent de poche..