Dans les années 1960, les membres du REF de la section Nord-Ouest de Paris se réunissaient Porte de Champerret
au "Café aux Sports". Il était toujours agréable, surtout pour les jeunes amateurs dont j'étais de mettre un visage
sur les voix que nous entendions sur les ondes. Les discussions allaient bon train, et parmi les amis présents,
il y avait d'excellents techniciens, souvent des personnes faisant carrière dans l'industrie électronique. On y
apprenait beaucoup, et chacun décrivait les montages qu'il avait récemment expérimentés. Je me souviens d'un
excellent exposé de F3BL sur la modulation Rotman et les antennes Lévy, de F8JS sur les antennes mobiles
à self au centre avec démonstration à l'appui, de F3PD sur la DSB et la télévision d'amateur, F8US sur l'art du DX,
etc..Nous nous retrouvions le dimanche matin sur 15 mètres et pour le débutant que j'étais, j'apprenais
énormément au contact de tels techniciens.
Au bout de quelques années, nous commencions à trouver que malgré le côté sympathique de ces réunions, il eut
été plus constructif de se réunir dans un local devant des matériels radio et des appareils de mesure.
Nous souhaitions également attirer de nouveaux sympathisants, et ce n'était pas seulement en se réunissant
dans un café que nous pouvions progresser.
Parmi les présents, il y avait des "personnages" entreprenants comme F2KH, F5CO, F2VP, F2YA, F3PD...je ne citerai
que ceux les plus proches géographiquement d'Argenteuil, où j'étais à cette époque le seul radioamateur actif.
Les services de la Mairie venaient d'être transférés dans un nouveau bâtiment, et l'ancienne mairie était appelée
à devenir un centre culturel avec cours de musique et de danse. Un certain Raymond, ami de F5CO, commerçant
connu à Argenteuil, parvint à convaincre la Municipalité de l'intérêt de créer un Club de Radioamateurs
dans les locaux de l'ancienne mairie. Il avait su notamment faire valoir les thèmes sensibles tels que le réseau
d'urgence, la communication internationale, l'occupation des jeunes, etc.. tout ce qui doit en principe sensibiliser
un maire.
Un beau jour de 1966, il nous fut attribué l'aile gauche de la mairie, c'était à peine croyable. Très rapidement,
l'ami Jean F3PD obtint des matériels réformés de l'industrie, et chacun usa de ses relations pour récupérer
toutes sortes de matériels radio et des appareils de mesure.
Les locaux comprenaient :
- au rez-de-chaussée, en entrant à gauche, une pièce pour la future station radio
- au RDC au fond à gauche, une salle idéale pour implanter un laboratoire de lecture au son
- au premier étage, une grande salle où des appareils de mesure seraient mis à disposition des membres du club,
pour venir mettre au point leurs réalisations. Une partie de la pièce où se trouvait un tableau vert sera
consacrée aux cours techniques.
La toiture en zinc constituerait un excellent plan de sol artificiel pour des antennes verticales.
Pour les grandes réunions, et assemblées générales, nous pouvions disposer de l'ancienne salle des MARIAGES,
excusez du peu !
Le lancement du radio-club se fit à grand renfort de publicités, d'articles dans la presse locale, de démonstrations
notamment dans le cadre du plan Orsec, en coordination avec les pompiers et la gendarmerie, dont les opérateurs
étaient étonnés de l'efficacité de nos moyens de liaison.
Le succès fut immédiat : des jeunes et des moins jeunes vinrent s'inscrire, certains ajoutant généreusement
des dons en argent pour nous encourager.
Un bureau fut constitué, et je fis la connaissance de Pierre, un jeune SWL rentré récemment du service militaire
dans les Transmissions, excellent télégraphiste, le futur F6DDP, et aussi mon futur beau-frère.
Chacun apportait ses compétences : F5CO le président donnait des cours théoriques, F6DDP des cours de télégraphie,
F2VP s'impliquait beaucoup et réalisa notamment une station modulaire, très didactique, facilitant la formation
des futurs candidats à la licence radioamateur.
Un autre point très important, fut la réalisation d'un laboratoire de lecture au son, directement inspiré
de ceux des écoles de transmissions militaires (voir menu 42RT), mais au lieu d'utiliser des keyers à bande papier, nous avions
deux magnétophones à 4 vitesses, servant de sources de programmes. Le seul problème était que contrairement
aux Keyers militaires, la note variait avec la vitesse. Aussi nous avions trouvé une solution "rustique" pour
générer le signal : nous avions récupéré un amplificateur monocanal de 10 watts, avec push-pull de tubes 6AQ5.
L'ampli était équipé d'un correcteur de tonalité. Je fis l'essai de reboucler la sortie de l'ampli sur son entrée
par un condensateur de 0,1 microfarads et l'ampli se transforma en générateur audio, dont on pouvait faire varier
la note par le potentiomètre de tonalité. Le tour était joué...
Un manipulateur J38 était inséré dans le circuit de sortie, permettant à l'instructeur de transmettre
en manuel. Les élèves par contre devaient court-circuiter leur manipulateur individuel. En lecture automatique,
il suffisait d'actionner sa barrette de court-circuit, et de lancer les magnétophones.
Il y avait 6 tables de deux élèves, chaque place disposant d'un manipulateur J38, d'une platine avec prise jack
6,35mm pour casque haute impédance de 2000 ohms, d'un potentiomètre de volume.
Par ailleurs, il y avait les concours, auxquels même les non licenciés participaient : il y avait toujours
des choses à faire : tenir le carnet de trafic, surveiller les doublons, alimenter les opérateurs en sandwiches
et en bière, ou tout simplement les encourager. Le Radio Club reçut l'indicatif F6KAL, et malgré la petite
puissance de notre émetteur avec tube 807 au final et notre antenne verticale du type "fusil à deux coups,
le classement aux concours fut assez honorable, notamment premiers du Val d'Oise à la Coupe du REF.
Un peu plus tard, nous mettions en service un transceiver en kit HEATHKIT HW32, pour la bande des 20 mètres,
avec lequel nous faisions des démonstrations en contactant des radioamateurs du monde entier.
Les débutants pouvaient apporter leurs réalisations, et faire leurs mesures au laboratoire du premier étage,
sous les conseils des OM's chevronnés.
Lorsque je quittai le radio-club en 1968 pour raisons familiales et professionnelles, je crois que le nombre de
membres frisait la centaine. De nouveaux amateurs reprirent le flambeau, dans de nouveaux locaux, et les
activités continuèrent encore pendant des années, grâce à de brillants techniciens qui ont été capables notamment
de réaliser le relais de télévision d'amateur sur la colline de Cormeilles.
Ce n'est pas sans nostalgie que nous reparlons aujourd'hui de F6KAL avec nos anciens amis toujours actifs, qui
considèrent que la période du CLUB RADIO AMATEURS D'ARGENTEUIL fut un grand moment de leur vie,
c'était il y a presque un demi-siècle !
Maintenant place aux jeunes, il y a tant de choses à faire avec les nouvelles technologies !