Après mon premier contact avec Bezons, Colombes et la Pennsylvanie, je me lançai à fond dans le trafic DX à longue
distance. Je partageais celui-ci entre la téléphonie et la télégraphie. Mon récepteur à 9 tubes de fabrication
maison manquant de sensibilité, mon père me fit un jour la surprise de m'apporter un récepteur professionnel
NATIONAL NC100, qu'il venait d'acheter d'occasion à l'ami Jean F3PD de Courbevoie.
Ce récepteur équipait l'armée américaine à partir de 1936, et se présentait dans un coffret entièrement
blindé, comportant un couvercle pour faciliter l'accès aux tubes de la série OCTAL à enveloppe métallique noire.
Sa face avant était dominée par un énorme bouton à vernier, qui était l'équivalent d'une échelle linéaire de
5 mètres de long. Il couvrait la gamme des ondes moyennes et toutes les gammes d'ondes courtes jusqu'à 30MHz.
Son condensateur variable à 3 cages était imposant, ainsi que les transformateurs de fréquence FI à 455KHz,
volumineux, mais ne souffrant d'aucun compromis. Le bloc de bobinages était entièrement logé dans un chariot
de fonte d'aluminium compartimenté, dans lequel étaient fixés les bobinages d'une qualité exceptionnelle,
réalisés sur mandrins en stéatite à gorge.
Le chariot était entraîné par une crémaillère sur une barre chromée,
si bien que la distance entre les contacts et le condensateur variable était minimum, quelle que soit la gamme
d'onde. Le haut-parleur était du type à excitation dynamique, de 38cm de diamètre, et son coffret en noyer massif me
servait de siège à la station. Avec ce récepteur, je pouvais trafiquer sur les bandes 10, 15 et 20m dans
d'excellentes conditions. La musicalité en ondes moyennes était proche de celle d'un récepteur à modulation
de fréquence, ce qui surprenait toujours mes visiteurs, notamment lorsque je leur faisais écouter RADIO ANDORRE
ou RADIO PEKIN relayé par TIRANA en pleine journée.
Sur le 15m, je recevais quotidiennement les pays d'Afrique du Sud, et sur le 10m les stations américaines et
canadiennes en branchant sur la prise antenne un simple tournevis. Bien entendu, ce récepteur est complètement
incompatible avec les modes numériques actuels, mais il est toujours en parfait état de fonctionnement en AM
et je le révise régulièrement, ne serait-ce qu'en mémoire du soutien de mes parents.
Mais la passion du "fer à souder" était toujours présente, et je consacrerai les années 1960 à 1970 à la
réalisation de différents appareils de mesure indispensables à la station, dont un générateur HF, deux
grid-dips dont un de type F8CV à oeil magique EM84, un voltmètre électronique HEATHKIT IM11.
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En 1963 je me lançai dans la réalisation d'un récepteur à double changement de fréquence à transistors, inspiré
d'une réalisation de RADIO REF. Le premier changement de fréquence était équipé d'un bloc de bobinages et de
quartz de la série FT243 des surplus fixés sur un rotacteur de télévision de récupération. Le premier changement
de fréquence se faisait sur 1600KHz, puis un second sur 455 KHz avec sélectivité variable (combinaison de plusieurs
transformateurs 455KHz). Le BFO était équipé de deux QUARTZ de la série FT241A permettant la démodulation de la BLU.
La face avant était constituée par une plaque d'aluminium de 3mm, peinte par un carrossier en vert
"ORTF", comportant dans la moitié supérieure un bandeau en ébonite noire. Ce bandeau comportait un
cadran rectangulaire avec démultiplicateur planétaire, un S-mètre à cadre mobile de 50mm, un haut-parleur de 6cm.
Le tout fonctionnait sur deux piles 4,5 volts en série. La sensibilité était bonne, mais il faut bien l'avouer,
la transmodulation était parfois très forte. Ce récepteur me suivit au service militaire en Forêt Noire, et me servit à
passer le virus de l'émission d'amateur à mes copains de section.
En 1965, je démonterai le récepteur pour l'intégrer dans ma station mobile. Ne disposant pas d'une grande place
dans ma Renault 8, je serai contraint de construire l'émetteur en fonction du levier de vitesses au
plancher. Ce fut néanmoins le départ d'une nouvelle passion pour le trafic en mobile.
Au retour du service militaire en 1965, il fallut tout remettre en question, la téléphonie en AM disparaissant
progressivement au profit de la BLU. Je réaliserai encore un récepteur à double changement de fréquence à tubes
NOVAL en 1967, un émetteur compact à 807, puis un autre à 6FN5, avec lesquels je participerai avec un certain succès
aux concours WORLD WIDE DX CONTEST et ARRL, malgré mon antenne intérieure pour le 10m et le 20m.
En juin 1968, je me suis résigné à démanteler ma station, le petit local devant retourner à sa destination
première, pour des raisons familiales...Néanmoins, je parvins à réaliser un émetteur--récepteur BLU 5 bandes
en 1970, en travaillant sur un coin de bureau, récupérant un maximum de composants, dont un filtre mécanique
Collins et un filtre KOKUSAÏ.
Finalement c'est le Collins, plus compact que je monterai en fréquence intermédiaire de 455KHz, en passant par
une conversion à 9MHz. La fréquence porteuse était générée par deux oscllateurs à quartz FT241A, sont j'avais
modifié légèrement la fréquence avec de l'abrasif pour l'un et en ajoutant du mercurochrome pour l'autre.
Le transceiver était doté de composants hybrides : des transistors au germanium pour la partie basse fréquence,
des transistors au silicium (2N2222 et 2N1613 pratiquement universels), un tube 6BY7A précédant une double
tétrode de puissance QQE06/40. J'avais fait réaliser la tôlerie par un atelier professionnel, le vernier étant
constitué par deux démultiplicateurs planétaires en cascade avec bouton TRANSCO. Au lieu de commuter des
bobinages, il y avait 5 VFO's indépendants sur circuits imprimés fixés solidement sur un massif condensateur
variable à 5 cages des surplus militaires allemands. La sélection se faisait par commutation des tensions
d'alimentation au moyen d'un clavier professionnel Jeanrenaud.
Ainsi, on faisait l' économie d'un VFO pour obtenir les gammes 20m et 80m par battement supradyne et infradyne
d'un VFO 5MHz avec la fréquence intermédiare 9MHz.
La partie réception était très sensible, et la qualité d'écoute très satisfaisante, à condition de brancher
un haut-parleur de 17 ou 21cm. Par contre, les réglages en émission étaient assez délicats et la double
tétrode QQE06/40 avait tendance à osciller, malgré le neutrodynage. Plus tard je la remplacerai par un tube 6146.
Tant pis, mon honneur de radioamateur constructeur était sauf, j'avais construit mon transceiver BLU 5 bandes!
Mais en 1972, je me laisserai aller à l'achat d'un transceiver commercial SOMMERKAMP TS288A, dont l'esthétique était plus compatible avec
les meubles de la salle de séjour de notre petit "deux pièces". Ce transceiver figure toujours dans ma station, je le maintiens en parfait état de fonctionnement : objets inanimés avez-vous donc une âme?